L’histoire d’un habile berger kabyle : expressions-venissieux.fr

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Dans son quatrième livre, « Pour l’honneur d’un village », Ali Mebtouche a choisi de raconter une histoire familiale. Cet ancien Vénissian, qui a passé sa carrière à Berliet et R-VI, évoque la Kabylie de la fin du XIXe, le bagne de Cayenne et La Mecque “en toute franchise, sans hypocrisie”.

Et si tout Ali Mebtouche était dans une phrase, une phrase qu’il a finalement supprimée de son quatrième roman, “Pour l’honneur d’un village” ? Il précisait alors que le récit que l’on venait de lire -l’histoire de Ouali, berger kabyle de la fin du XIXe siècle qui va être déporté au bagne de Cayenne-, serait immortalisée par son arrière-petit-fils. Et l’on comprenait les liens de parenté qui unissaient Ali au héros de son livre.
Tout Ali est dans cette phrase supprimée, car notre homme est rien moins que prétentieux. Il hésite à se reconnaître auteur, préférant dire : “Je garde les pieds sur terre. On me félicite pour ma simplicité. Mais, malgré le titre choisi par un journaliste algérien, “Un ouvrier devenu écrivain”, je ne crois pas l’être.” Né en Kabylie, Ali Mebtouche fut le premier de sa famille à pouvoir aller à l’école. “J’ai été scolarisé par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Je suis arrivé en France à l’âge de 19 ans. Je me suis inscrit aux cours de français gérés par des bénévoles, pour améliorer mon niveau.”
Ali habite Vénissieux entre 1972 et 1982, rue Georges-Lévy, derrière Vénissy. Il travaille à Berliet, devenu R-VI, jusqu’au moment de prendre sa retraite.
“On me demande souvent pourquoi je suis venu à l’écriture. J’ai trouvé qu’elle était un moyen de s’exprimer. A R-VI, dans les années quatre-vingt-dix, nous avions monté un atelier d’écriture de textes qui se réunissait une fois par mois. Un jour, j’ai montré à un écrivain ce que je faisais. Je lui ai dit que j’écrivais ce que je ressentais. “Vous allez devenir un vrai Victor Hugo”, m’a-t-il répondu. Il se moquait. Mais cela m’a encouragé, et mes amis aussi m’ont conseillé de continuer. Au début, j’étais coincé, entre autres par la concordance des temps, l’emploi de l’imparfait. Mon épouse, qui était professeur, me corrigeait et elle continue à le faire.”
Au fil du temps, Ali a raconté son arrivée en France, d’une façon à peine romancée, dans “Le voyage de Mohand” et poursuivi l’aventure de l’écriture avec “Histoire d’un berger de Kabylie pendant la guerre d’Algérie”, puis “Les cigognes et le pigeon”. “L’histoire que je livre dans “Pour l’honneur d’un village”, je la connaissais depuis que je suis tout petit. Mes parents me racontaient souvent comment mon arrière-grand-père avait tué cinq lions. L’histoire du mariage, je l’ai entendue des milliers de fois. Je savais aussi qu’il avait assassiné un administrateur qui l’avait humilié. En Kabylie, la vengeance était légale, sauf que la France avait tout changé et aboli les lois locales. L’histoire de mon arrière-grand-père a été transmise par ma famille et par les anciens du village. Quand j’ai publié mon livre sur le berger de Kabylie, on m’a demandé pourquoi je n’en écrivais pas un sur mon arrière-grand-père. Car dans tous les précédents, j’avais déjà fait allusion à lui en deux ou trois pages.”

Les premiers temps de la colonie française
À son arc artistique, Ali Mebtouche ajoute une corde musicale. Il déclare se passionner autant pour les contes que pour les chansons kabyles des années cinquante, qu’il a entendues chanter par les anciens, en France. Les unes comme les autres nourrissent ses récits. Car aux faits historiques rapportés oralement dans la famille (les lions, le meurtre, l’exil à Cayenne, l’évasion, le bateau anglais, le canal de Panama, le départ pour La Mecque), Ali ajoute des personnages, tel Aziz, ce Berbère marocain rencontré par le héros à La Mecque. “L’histoire du passage de mon arrière-grand-père à La Mecque est véridique, il l’avait raconté à sa femme.  Il a dénoncé certaines pratiques, qui avaient plus à voir avec des échanges commerciaux qu’avec la piété.”
On lit avec beaucoup d’intérêt les aventures de Ouali. Ali Mebtouche sait mener son récit avec habileté, nous entraînant de Kabylie en Guyane, de l’Angleterre à l’Afrique du Sud, de l’Inde à La Mecque et au Maroc. Les péripéties se succèdent, créant un attachement au héros, une attente. On apprend beaucoup sur les premiers temps de la colonie française en Algérie, les premières révoltes kabyles, la manipulation des autorités françaises, le double-jeu des marabouts. “Il faut être franc et dire les choses comme elles sont”, préconise l’écrivain. Ali cite le chiffre de 1500 exemplaires vendus de “Histoire d’un berger de Kabylie”. On lui souhaite de battre ce record avec “Pour l’honneur d’un village”.

“Pour l’honneur d’un village”, éditions Kirographaires, 18,95 euros.
Le livre peut être commandé dans toutes les librairies et auprès de l’éditeur et de son responsable des ventes, Elif Arik : elif.arik@edkiro.fr

Un ouvrier devenu écrivain : vitaminedz.com

Un ouvrier devenu écrivain : vitaminedz.com

Un ouvrier devenu écrivain : vitaminedz.com

Le parcours d’Ali Mebtouche est étonnant. Emigré d’Algérie à moins de 20 ans, il s’installe dans la région lyonnaise où il travaillera toute sa vie à l’usine. Par le hasard d’un atelier d’écriture, le démon de la plume le prend alors qu’il arrive à la retraite. Trois livres sont publiés avec un contenu qui mérite le détour, un quatrième est en cours.


Lyon : De notre correspondant

 

Ali Mebtouche est né à Aït Aïssa Mimoun, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Alors que la guerre fait rage dans les zone militaires, il est scolarisé par les soldats français de 13 à l’âge de 15 ans. Certainement déjà les sonorités de la langue de Voltaire parlaient à sa soif de connaissances et il va y goûter pleinement au point de vouloir découvrir ce qui se cache derrière le miroir. Il n’a que 19 ans lorsqu’il émigre en France. Il raconte ce départ dans son dernier livre Le voyage de Mohand réédité en 2008 aux éditions Le Manuscrit.

Il parle d’un rêve qui remonte à l’enfance : « Depuis sa plus tendre enfance, Mohand était obsédé par l’idée de quitter un jour son village natal pour émigrer dans le pays de ses rêves : la France. Ne voyant rien arriver dans l’Algérie indépendante en laquelle tous les Algériens espéraient une vie meilleure, Mohand préféra s’exiler, comme tant de jeunes de son âge, et partir à la recherche du paradis que les anciens émigrés, après des années passées en France, leur faisaient miroiter lorsqu’ils étaient enfants. Mais avant tout, Mohand devait faire une demande auprès de la nouvelle administration de son pays pour se faire délivrer une carte nationale d’identité. ».

Au passage, il égratigne la bureaucratie algérienne de la post-indépendance : « Depuis le départ des Français, l’administration algérienne était en panne de cerveaux. On recrutait n’importe qui et n’importe comment. L’employé à la chéchia se trompa en inscrivant la date de naissance de Mohand sur l’imprimé destiné à la préfecture. Mohand s’aperçut vite de l’erreur sur le double de l’imprimé, mais il se tut, car il craignait que l’employé ne s’énerve et qu’il ne les renvoie chez eux jusqu’à une date ultérieure’ »Arrivé en France, Ali Mebtouche est un simple ouvrier OS dans une petite usine pendant huit ans, puis ouvrier professionnel aux usines Marius Berliet, dans la région lyonnaise, devenues Renault véhicules industriels. Dans le cadre de cette France des années 1960, difficiles pour les immigrés algériens, il s’adapte, s’intègre à sa nouvelle vie, au point que l’heure de la retraite sonne, et le plonge dans les délices d’une formation à l’écriture.

Il est tellement bien trempé dans le bain qu’il écrit trois livres. « Actuellement, nous dit-il, je travaille sur l’histoire de mon arrière-grand-père, déporté au bagne de Cayenne vers 1883 pour avoir assassiné un administrateur colonial qui avait humilié tous les habitants de son village. Je raconte sa détention, son évasion, son voyage de retour, en passant par La Mecque, son arrivée au pays, puis sa capture après un séjour dans le maquis ».Une thématique qui ne peut laisser indifférent, comme celle de ses précédents ouvrages. Confortant ses racines berbères dans le milieu associatif, il implique continuellement son terroir dans son écriture, mais aussi des pages douloureuses de notre histoire. Outre Le voyage de Mohand cité plus haut, il publie ainsi en mars 2007 Histoire d’un berger de Kabylie qui se déroule pendant la guerre d’Algérie, avec un regard original sur la traîtrise. « Au début des années 1950, Chabane est mobilisé pour aller défendre les intérêts coloniaux de la France en Indochine. A la fin de son service, marqué à vie par les atrocités vécues dans les maquis marécageux de la guerre d’Indochine, il regagne son village de Kabylie.

Un jour, et pour une histoire banale, il se voit forcé de rejoindre les groupes armés du FLN. Nommé officier, il mène avec ses hommes une guerre d’embuscades acharnées contre l’armée française. Jaloux de ses succès, un de ses officiers prépare un complot contre lui. Averti à temps, il échappe de peu à la mort. Pour se venger, il négocie alors sa reddition à l’armée française et devient un des harkis les plus sanguinaires qu’ait connus la guerre d’Algérie. » Enfin, dans Les cigognes et le pigeon, il revient à ces années de labeur : sa vie en usine. Il offre là une remarquable immersion dans l’univers du travail ouvrier de l’immigration. Un auteur attachant, à découvrir, aux éditions L’Harmattan et Le Manuscrit.